Philippe Pierre

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L’entreprise archipels

« Quel management face à des profils de plus en plus variés et exigeants ? Vers une gestion opportune des talents pour un nouveau sens au travail »


Qui ne sait pas récompenser les talents commet une faute contre l’innovation !

Nous distinguons, au risque de la remise en cause des catégories gestionnaires habituelles, « haut potentiel » et « talent ».
Un haut potentiel, c’est quelqu’un qui ressemble au chef ! Qui fait sa carrière dans le viseur du chef et nous fait courir le risque du mimétisme et de « l’entre-soi » ! Un talent, lui, est sur le radar et nous conduit à maitriser sans cesse son envie de trop forte différenciation, trop grande innovation. Un talent n’est pas sous les yeux et sous la main. Nous disons souvent que la première qualité d’un talent est de faire, de réaliser, de délivrer sinon il restera un éternel potentiel ! Un talent ne demande pas l’autorisation de rentrer dans votre bureau, il rentre, vous questionne et est capable de sortir sans vous en demander l’autorisation. En fin de journée ou en fin de semaine, il reviendra vous faire profiter de ses découvertes. Un talent à la capacité de vous ouvrir l’accès à d’autres milieux que celui que vous côtoyez au quotidien. Il ne vous oublie pas contrairement aux apparences si vous êtes à ses yeux un « aimant à opportunité », un « carnet d’adresses » sur pattes ! Le haut potentiel suit des règles, le talent suit des lois et sait que la chance d’avoir du talent ne suffit pas, encore faut-il le talent d’avoir de la chance, comme le soulignait H. Berlioz !

Un talent est donc excellent (il fait très bien), différent et… généreux, c’est-à-dire qu’il transmet tours de mains et bonnes pratiques sans souci de l’organigramme formel. Il donne. Il aide à comprendre qu’une innovation n’est pas forcément une idée nouvelle de plus mais une vieille certitude de moins !

Les deux profils sont importants s’ils savent se compléter et apporter à l’ensemble des équipes mais en général, le haut-potentiel a la peau du talent ! Protégeons les talents car ils sont en général « mis à mort » dans une organisation, chasser ailleurs et endosse la figure du « bouc émissaire » chère au philosophe R. Girard (1982). L’expérience du travail expose toujours la personne au risque d’un déni de reconnaissance si l’on n’éveille pas les consciences. Rien ne peut justifier qu’une personne soit mise au ban de la société ou reste aux portes d’une entreprise pour ce qu’elle est, et non pour ce qu’elle fait.

Une mutation plus profonde du rapport à l’autorité ?

Le management des talents renvoie pour nous, plus largement, à une évolution des frontières de l’entreprise, des administrations ou des associations. Le travail et le temps du travail ne sont plus « au centre ». Ils forment un ilot d’un ensemble plus vaste. La notion « d’archipel » prend au sérieux ces réalités et ce passage du « centre » à des « centres », de la pyramide hiérarchique au réseau, et au réseau de réseau. L’entreprise en « archipel » renvoie pour nous au passage d’une société pyramidale vers une remise en cause des figures d’autorité du haut vers le bas (dans l’Armée, l’École, l’Église…) et, au final, la mise en interrogation de toute idée de centre unifié et perçu comme légitime par le plus grand nombre.

La déconstruction de la figuration en peinture, de la tonalité en musique, de la chronologie dans l’art romanesque et théâtral sont autant de signes invitant à mieux comprendre cette remise en cause de tout ordonnancement séquentiel linéaire, de tout centre hiérarchique sous l’effet de l’applatissement apparent des structures d’ordre.

Cela invite le dirigeant, les lignes managériales, les partenaires sociaux… à « se casser les os de la tête » c’est-à-dire à revisiter leurs catégories habituelles dans leur rapport au temps et à l’autorité parce que certaines jeunes générations n’apprennent plus pareil qu’autrefois, parce que le périmètre d’action de l’entreprise/organisation change et s’internationalise (les fournisseurs, les sous-traitants aussi…), parce que les clients n’achètent plus pareil qu’hier et utilisent de plus en plus les écrans pour le faire, parce que l’image de marque est couplée à l’image employeur et donc à l’attractivité de l’entreprise/organisation, parce que les équipes ont envie d’apprendre et de rester employables tout au long de leur vie professionnelle…

Le management des talents conduit à se convaincre qu’une réussite arrive si on essaye une fois de plus que le nombre d’échecs !

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